Bolidage ou Tuning ?

Charles Fontaine est chroniqueur au journal satirique « La Mèche ». Il a accepté de revenir sur son chef d’œuvre littéraire : la création du mot « bolidage », en lieu et place de « tuning ».

Alvaro Canyon : Charles Fontaine, tu as 22 ans et tu es étudiant en journalisme à Lyon. Le 30 mars dernier, le Concours Francomot d’Alain Joyandet, ex-secrétaire d’Etat à la Francophonie et à la Coopération, t’a décerné un prix pour la création du mot « bolidage » en lieu et place de l’anglicisme « tuning ». Qu’est-ce qui t’a pris de nous pondre un truc pareil ?

Charles Fontaine : « Il fallait que j’arrête de m’ennuyer en cours d’anglais. Un jour que le ‘present perfect’ me gonflait vraiment l’abdomen, j’ai lu une annonce pour le Concours Francomot dans un journal gratuit. Il fallait traduire « buzz, chat, newsletter, talk, tuning » pour lutter contre les anglicismes. Je me suis dit « – Tiens, enfin une occasion de me marrer », et j’ai gribouillé quelques mots pour passer le temps.

A.C. : Et « bolidage » est né…
C.F. : Oui, je n’ai pas mis de temps à le trouver celui-là. J’imaginais mon frangin avec sa voiture « tunée », et me demandais ce qu’il avait voulu faire en ajoutant un maxi pot d’échappement et des bêtes d’enjoliveurs à sa poubelle. Ce n’était pas seulement de la décoration, il y avait un vrai travail d’artiste là-dessous. Il voulait faire en sorte que sa voiture dépote et ressemble à une voiture de course. Donc j’ai cherché un mot qui résume cette transformation d’auto classique en bolide. Quand j’ai soumis « bolidage » à mon voisin de cours, à voir sa tronche j’ai senti que ça ferait sensation. J’ai donc gardé le mot.

A.C. : C’est un mot que beaucoup d’inconditionnels du « tuning » réfutent et contestent. Certains parlent même de provocation, de dérision…
C.F. : Parce que mettre un aileron à une Fiat Panda ce n’est pas de la dérision ? Je n’ai pas encore rencontré une dodoche avec un baquet mais je suis sûr qu’il en existe. Il faudra que les mecs m’expliquent pourquoi « bolidage » est plus saugrenu que « tuning » quand, à la base, le « tuning » pratique très largement le second degré.

A.C. : Sérieusement, ce mot, tu l’utilises ?
C.F. : Bien sûr, dès que je croise une voiture bolidée (rires). C’est devenu un sujet de rigolade avec quelques copains, on ne va quand même pas se priver de s’amuser.

A.C. : A la base, c’était un truc très sérieux le Concours Francomot. Lutter contre le tout-anglais, promouvoir le Français…
C.F. : Ah, mais je suis à fond derrière cette démarche. Le Français, c’est quand même une langue loin d’être pauvre, alors pourquoi sans cesse adopter des mots anglais alors que même les Québécois – qui vivent dans un environnement anglophone – les traduisent ? Bientôt, comme l’a dit Pécresse, « l’anglais ne sera plus une langue étrangère en France ». C’est ahurissant. Tu imagines, toi, apprendre le Français « seconde langue » en France ?

A.C. : Non…
C.F. : Non, ben moi non plus. L’anglais, c’est une langue, pas un outil de travail absolu. Qui plus est, c’est la langue de l’intelligentsia dominante. Et avec le monde qu’elle est en train de nous pondre, c’est plutôt normal de ne pas vouloir adopter ses facéties de langage. Le Français est fait pour la combattre. Car derrière le tout-anglais, il y a l’asservissement. L’empire galactique, ça n’existe pas que dans « La Guerre des Etoiles ».

A.C. : Grâce à « bolidage », tu as réellement gagné un stage à l’étranger ?
C.F. : Oui, au Cambodge, pendant 12 jours.

A.C. : Aux frais de la princesse ?
C.F. : Si la princesse s’appelle Alain Joyandet, on peut dire que je ne lui ai pas coûté trop cher. Car elle s’est envoyée en l’air avec 116 500 euros la princesse. Et je ne parle pas d’Estrosi avec son avion privé à 138 000 ou Chirac avec ses emplois fictifs à 550 000 boules. En tout et pour tout, mon séjour a dû coûter 2000 euros. Pour une fois que ce n’est pas un taulard qui en profite, on ne va quand même pas faire un procès à un infime lauréat de Francomot.

A.C. : Mais est-ce que « bolidage » méritait un stage à Phnom Penh ?
C.F. : J’en sais rien, c’est plutôt le problème du secrétariat d’Etat à la Francophonie et à son budget, en fait. C’est quand même eux les responsables. Moi, je n’ai rien demandé dans cette histoire. Entre nous, il faudrait vraiment être un âne pour refuser de changer de décor. Ca me rappelle le sketch de Coluche sur la « publicité » : « – Si je vous reprends votre OMO et que je vous en offre un deuxième, y a rien d’écrit ? – Ah ben non alors. – Vous voyez, faut vraiment être con pour pas prendre deux barils à la place d’un ». On est un peu dans ce genre d’aberration, là.

A.C. : Et pour l’année prochaine, des suggestions pour traduire « interview », « starting-blocks », « baby-foot »?
C.F. : « Interview », ce serait l’occasion de se payer un peu les journalistes, parce qu’entre nous ils ont bien besoin de ça. A entendre Jean-Marc Morandini, par exemple, tu te croirais sur une succursale de CNN. Pour les autres, faut voir, mais je suis sûr qu’il y a encore l’occasion de bien s’amuser…

Par Alvaro Canyon et LePost.fr

Tuning ou Bolidage ?

Vous aimez le tuning ?
Vous aimerez dorénavant le bolidage ! Le Secrétariat d’Etat à la Francophonie avait donc organisé en mi-janvier un concours Francomot afin de trouver des équivalences des anglicismes “buzz”, “chat”, “newsletter”, “talk” et donc le terme automobile “tuning”.

Cette pratique apparue donc il y a une bonne vingtaine d’années en Europe, revival “beauf” (en général) de ce qu’on appelait le hot-rod aux États-Unis, va changer de nom. Bref c’est une époque qui prend fin, adieu tuning, Alain Joyandet annonce que nous parlerons de bolidage.

Essayons d’appliquer un peu cela. Cette année, nous avons signalé l’annulation du Paris Bolidage Show, nous lirons le Maxi Bolidage en kiosque et les allemands iront bolider leurs automobiles de luxe.

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